19 août 2021

Prendre l’avion avec un enfant autiste. Quels sont vos droits ?

Pour beaucoup de parents, les vacances d’été sont synonymes de repos et de voyage. On imprime les tickets d’avion, on boucle les valises et on se voit déjà sur la plage à construire des châteaux de sable. Malheureusement, pour les parents d’enfants à besoins spécifiques, partir en vacances en avion peut s’avérer être une expérience traumatique.

Pour des personnes autistes, et tout particulièrement pour des enfants, prendre l’avion peut être un moment très angoissant. La vitesse, le décollage, les sensations, le fait de ne pas pouvoir sortir ou de ne pas contrôler le voyage, tout ça peuvent être des motifs de crise. Parfois, l’enfant a un intérêt restreint sur les avions et le voyage se passe à merveille. Mais alors se pose la question du temps d’attente dans l’aéroport, avec un enfant surexcité à l’idée de prendre l’avion. Dans tous les cas : voyager en avion avec un enfant autiste n’est pas de tout repos, et nécessite une logistique bien huilée.

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L’Union Européenne garantit l’accès aux aéroports pour tous !

L’Union Européenne garantit la mobilité de tous les citoyens, y compris ceux à mobilité réduite ou avec des handicaps invisibles. En effet, le Règlement n°1107-2006 sur les droits des personnes handicapées et à mobilité réduite indique :

Le marché unique des services de transport aérien devrait bénéficier à l’ensemble des citoyens. Par conséquent, les personnes handicapées et les personnes à mobilité réduite, que cette réduction résulte d’un handicap, de l’âge ou de tout autre facteur, devraient avoir des possibilités d’emprunter les transports aériens comparables à celles dont disposent les autres citoyens.

Règlement n°1107-2006

Pour rappel, un Règlement Européen n’est pas une norme facultative, mais obligatoire. Les États membres sont tenus d’appliquer ces dispositions telles qu’elles sont définies dans le Règlement. En d’autres mots : ne pas octroyer d’aménagements raisonnables pour accéder à un aéroport ou un avion (voire un train ou tout autre moyen de transport) constitue une discrimination. Un aéroport ou une compagnie ne respectant pas ce droit peut être sanctionné par une amende administrative.

L’article 6 du Règlement exige aussi que : “la fourniture d’une assistance de grande qualité dans les aéroports devrait être de la responsabilité d’un organisme central.” Ceci afin d’éviter la situation actuelle où certaines compagnies proposent une assistance et pas d’autres.

Concrètement, les compagnies aériennes utilisent des codes internationaux pour indiquer le type d’assistance à fournir aux passagers à mobilité réduite, le code “DPNA” étant réservé pour les passagers présentant une déficience intellectuelle ou un retard de développement.

Je prends très souvent l’avion, il y a cette fameuse assistance DPNA, mais toute cette assistance, chaque fois, n’a pas lieu. On nous dit “oui oui” par mail, et une fois sur place, c’est de nouveau l’horreur. Il faut parlementer des heures, pour finalement se débrouiller par nous mêmes.

Maman d’un enfant autiste

Il serait malhonnête de dire que, depuis une dizaine d’années, les compagnies aériennes ne font pas d’efforts pour faciliter le voyage ou le transport des personnes handicapées. Le Règlement Européen y a joué son rôle. Mais force est de constater que certaines compagnies ou aéroports accordent aussi plus d’importance que d’autres au confort des personnes avec handicap. Bien souvent, ce sont les handicaps invisibles qui sont oubliés, ou délaissés.

Petit panorama de l’accessibilité des aéroports belges

Tout s’est bien passé jusqu’au moment où l’avion a commencé à rouler… il s’est rendu compte qu’on quittait son chez-lui et que nous n’étions pas « maîtres » du trajet. Une crise mémorable de 1h30 dans l’avion. Il voulait ouvrir les portes de l’avion… il avait été préparé, renforcements de toute sorte, tablette avec jeux, etc.
Une catastrophe que je ne suis pas prête d’oublier !

Maman d’un enfant autiste

En Belgique, et comme dans la plupart des pays européens, l’application du Règlement n°1107-2006 se fait selon différentes interprétations.

L’aéroport d’Ostende-Bruges propose par exemple l’utilisation d’une carte avec lanière verte nommée Hidden Disability Sunflower (le “tournesol du handicap invisible“), elle permet d’obtenir une assistance en cas de besoin, mais aussi indique au personnel de l’aéroport qu’il faut laisser plus de temps et d’espace aux personnes qui la portent. A l’origine, la Hidden Disability Sunflower est une initiative britannique, largement utilisée outre-Manche dans d’autres domaines (comme les services de santé). Hélas, cette initiative est inconnue dans les autres aéroports de Belgique.

L’aéroport de Deurne-Anvers ne propose a priori pas d’assistance DPNA, seulement PMR. Il renvoie vers les types d’assistance de la compagnie aérienne TUI, laquelle ne cite pas l’assistance DPNA.

L’aéroport de Bruxelles-Zaventem propose une assistance DPNA sur demande (48 heures à l’avance), elle doit aussi s’associer d’une demande envers la compagnie aérienne.

L’aéroport de Liège-Bierset propose une assistance PMR seulement. L’aéroport de Liège est le seul à spécifier, avec celui de Charleroi, qu’une demande déposée trop tard peut impliquer un refus de prise en charge : “Notez que si ce délai n’est pas respecté, l’aéroport ne pourra garantir la prise en charge.

L’aéroport de Charleroi (Bruxelles-Sud) propose un PMR Corner où les personnes peuvent demander de l’assistance. Mais a priori, pas de présence d’assistance DPNA. Si vous avez besoin d’une assistance particulière, il est essentiel de la notifier auprès de votre compagnie aérienne. Comme pour Liège, vous avez jusqu’à 48 h avant le jour du départ pour faire votre demande d’assistance auprès de votre compagnie. Il est cependant recommandé de la faire au moins une semaine à l’avance.

Sur les cinq aéroports du pays, seulement deux prévoient ouvertement un protocole spécifique pour les handicaps invisibles. Bien souvent, les assistances proposées ne sont pas optimales, et la communication avec l’aéroport souvent très difficile.

De cette expérience, le personnel, bof. On a expliqué le TSA, mais les hôtesses TUI n’ont pas vraiment compris. Le fait d’essayer d’ouvrir le cockpit a été très mal vu.

Maman d’un enfant autiste

Cet article de ToerismVoorAutism (en néerlandais) montre bien à quel point demander cette assistance n’est pas évident. L’auteur de l’article résume son expérience avec l’assistance DPNA :

  1. Il y a un manque d’informations sur ce qu’implique l’assistance spéciale et ce que l’entreprise peut vous offrir. On ne sait pas exactement quelle aide vous recevrez. Il n’est pas non plus clair où s’inscrire, etc. Vous devez vraiment vous renseigner activement à ce sujet. Bref, les personnes en situation de handicap (ou leurs proches) doivent redoubler d’effort pour voyager. Ce qui est contraire au Règlement Européen.
  2. Il y a peu de connaissances parmi le personnel de l’aéroport sur les handicaps invisibles tels que l’autisme, les déficiences intellectuelles ou l’Alzheimer.
  3. Vous dépendez de la bonne volonté de l’équipage. On vous garantit que vous rentrerez et sortirez en premier de la cabine, mais les stewards de l’avion ne sont pas toujours au courant.
  4. Manque de communication entre l’aéroport et les compagnies. Les demandes d’assistance (DPNA ou PMR) doivent souvent être déposées en double : pour l’aéroport et pour la compagnie aérienne, sans jamais être certain que les deux assistances seront harmonisées.
  5. Pour voyager avec une personne handicapée, il faut anticiper. Logistiquement, demander une assistance est souvent une procédure lourde : la demande doit être déposée très tôt (au moins une semaine à l’avance). C’est par ailleurs le même problème qui se pose avec les transports en commun de type tram ou train. Une telle anticipation démontre que les assistances proposées ne font pas partie des procédures normales d’accessibilité. Ce qui est contraire au Règlement Européen, puisqu’un citoyen handicapé n’a pas les “possibilités d’emprunter les transports aériens comparables à celles dont disposent les autres citoyens.

Et pourtant…

Les aéroports de Miami (Floride) et Londres-Gatwick (Angleterre), par exemple, ont ouvert des zones multi-sensorielles (snoezelen) réservées pour enfants angoissés. Et pourtant, ces aéroports ne sont pas soumis aux exigences du Règlement Européen.

D’autres aéroports ou compagnies proposent aussi des “pass” pour les personnes avec handicap (très proche de la Hidden Disability Flower), leur permettant de ne pas attendre dans les files. C’est le cas de la compagnie KLM, par exemple.

En Italie, c’est le projet “Aeroporto Amico“, qui met en pratique le Règlement Européen. Depuis 2015, la majorité des aéroports italiens proposent une assistance spécifique pour personnes autistes, par :

  • Le parcours (de l’arrivée à l’aéroport à l’embarquement dans l’avion) est illustré dans une brochure ou une vidéo, avec des images et des textes simples qui aident à connaître à l’avance les lieux et les processus (exemple de vidéo ou de brochure pour l’aéroport de Naples) ;
  • Un personnel formé et sensibilisé aux handicaps invisibles ;
  • La possibilité pour les personnes autistes (ou leurs parents) de venir visiter l’aéroport avant le voyage pour se préparer ;
  • Plusieurs lieux possibles pour “annoncer son handicap” disséminés partout dans l’aéroport (chaque passager demandant l’assistance y sera accueilli par un personnel dédié et formé pour les assister tout au long de leurs procédures) ;
  • Des sièges prioritaires dédiés sont disponibles pour les passagers handicapés ou à mobilité réduite dans le terminal, identifiables par une signalisation appropriée.

Sinon avec la carte européenne de handicap on peut en Belgique passer la douane via la ligne prioritaire et donc éviter la file.

Maman d’un enfant autiste

Il semblerait en effet que la carte européenne de handicap permette d’éviter les files lors du passage à la douane. Malheureusement, ce projet de carte européenne est encore largement méconnu et n’est disponible que dans 8 pays européens sur 27. Par ailleurs, tous les aéroports ne sont pas harmonisés sur la question, et votre expérience dépendra grandement de la formation et de la sensibilisation du personnel.

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Revendications pour des aéroports plus accessibles

C’est pourquoi, après cette analyse, il nous est important de proposer ces revendications pour des aéroports plus accessibles à tous :

  1. Faire respecter le Règlement Européen, ce qui implique une assistance PMR, mais aussi DPNA dans tous les aéroports. Prendre en compte le handicap dans toute sa transversalité, en ce compris les handicaps invisibles ;
  2. Garantir l’accessibilité des vols et aéroports par un organisme central chargé d’en évaluer la qualité ;
  3. Faciliter et harmoniser les dépôts de demande d’assistance ;
  4. Prévoir du personnel formé et dédié pour assister des personnes n’ayant pas pu déposer leur demande en avance ;
  5. Proposer l’acquisition d’un “passe” permettant aux personnes en situation de handicap de ne pas avoir à attendre aux files ;
  6. Création d’outils visuels (fiches, vidéos, brochures) avec du texte simple (Facile à Lire) qui aiderait les personnes à connaître à l’avance les différents lieux à visiter et les processus à suivre. A l’image des aéroports italiens ou canadiens ;
  7. Installation de sièges prioritaires pour personnes handicapées ;
  8. Mise à disposition de lieux calmes pour que des personnes avec autisme puissent s’isoler à l’abri des stimulations trop importants ;
  9. La possibilité pour les personnes avec autisme (ou leurs parents) de visiter l’aéroport en avance.
Pexels

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