11 septembre 2020

L’intégration des enfants handicapés dans l’enseignement ordinaire a-t-elle été supprimée ?

Depuis la publication de la circulaire organisant l’enseignement spécialisé pour 2020-2021, toute la handisphère est en panique : l’intégration des élèves à besoins spécifiques du spécialisé vers l’ordinaire serait sur le point d’être supprimée. Qu’en est-il vraiment ?

C’est en effet une décision plutôt surprenante : l’intégration temporaire totale des élèves de l’enseignement spécialisé vers l’ordinaire sera supprimée. La page 188 de la circulaire spécifie :

  • L’intégration temporaire totale est supprimée ;
  • Seuls les élèves à besoins spécifiques inscrits et fréquentant régulièrement l’enseignement spécialisé depuis le 15 janvier au moins sont susceptibles de pouvoir bénéficier du mécanisme de l’intégration à partir du 1er septembre de l’année scolaire suivante ;
  • Les élèves qui ont bénéficié du mécanisme de l’intégration temporaire totale entre le 15 janvier 2020 et le 3 juillet 2020 bénéficient d’une intégration permanente totale au cours de l’année scolaire 2020-2021 ;
  • Toute proposition d’intégration ne peut plus émaner de l’équipe éducative d’un établissement d’enseignement ordinaire, ni de l’organisme qui assure la guidance des élèves de l’établissement d’enseignement ordinaire mais uniquement du Conseil de classe d’un établissement d’enseignement spécialisé, de l’organisme qui assure la guidance des élèves de l’établissement d’enseignement spécialisé et des parents, de la personne investie de l’autorité parentale ou de l’élève lui-même s’il est majeur.

Nous avons contacté l’Administration de la Fédération Wallonie-Bruxelles chargée aux intégrations le premier septembre, afin de savoir pourquoi une telle décision avait été prise. Nous avons donc fait part de nos inquiétudes dans notre article de rentrée, sans vraiment savoir ce qu’il allait advenir des élèves inscrits (ou non) en intégration.

Les directeurs de l’enseignement libre inquiets

Ce fut ensuite au tour des directeurs du spécialisé de rédiger, le 8 septembre dernier, un courrier à Caroline Désir, ministre de l’Éducation. Dans ce courrier, les directeurs du spécialisé se questionnent sur les “intentions (du gouvernement) pour assurer un enseignement de qualité à tous nos élèves en difficulté”

Les élèves en difficultés seront dans l’obligation d’intégrer l’enseignement spécialisé pour le 15 janvier au plus tard afin de pouvoir bénéficier d’un projet d’intégration permanente totale. Nous avons déjà connu cette situation il y a 30 ans, vos prédécesseurs se sont battus pour améliorer le dispositif avec succès. En le remettant en place, c’est une pénible régression que nous vivons.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que tout le système d’intégration du spécialisé vers l’ordinaire n’est pas supprimé, mais seulement l’intégration temporaire totale (ITT). Pour rappel, il existe quatre formes d’intégration :

  • intégration permanente totale : tous les cours toute l’année
  • intégration permanente partielle : certains cours toute l’année
  • intégration temporaire totale : tous les cours une partie de l’année
  • intégration temporaire partielle : certains cours une partie de l’année

La réponse de la ministre de l’Éducation

Caroline Désir a dû répondre au député socialiste Michele Di Mattia sur la question lors d’une session au Parlement (p. 37). Celui-ci lui demandait de rassurer les directeurs du spécialisé et d’apporter des réponses à leurs questions. Voici la réponse de la ministre :

Mon intention (et celle du Gouvernement) est bien de renforcer les mesures qui favorisent l’inclusion ou le maintien dans l’enseignement ordinaire d’élèves à besoins spécifiques. La réforme de l’intégration prévue par le pacte ne consiste évidemment pas seulement en la suppression de l’ITT. Le soutien spécifique accordé par les équipes du spécialisé dans le cadre de l’intégration des enfants dans l’ordinaire ne va d’ailleurs pas disparaître : il va changer de forme, dans l’optique d’une plus grande efficacité et équité à travers la mise en place de pôles territoriaux.
C’est au pôle, attaché à une école d’enseignement spécialisé, que reviendra la mission d’accompagnement de ces élèves, le cas échéant, tout au long de leur scolarité. La mise en place progressive et effective des pôles territoriaux est prévue à partir de septembre 2021. En attendant, des projets pilotes sont mis en place dès cette année scolaire 2020-2021.
C’est ainsi que 30 postes de coordinateurs viennent d’être affectés aux différents réseaux et que 1000 périodes ont été accordées aux projets existants. L’encadrement a également été préservé. Toutes les intégrations temporaires signées entre le 15 janvier et le 3 juillet 2020 ont été transformées en intégrations permanentes, ce qui équivaut à 4 périodes d’accompagnement par élève que l’école peut mutualiser pour permettre un accompagnement efficace. Enfin, les moyens de l’intégration – qui ont par ailleurs été fortement augmentés puisque l’enveloppe budgétaire affectée est passée de 15 millions d’euros pour l’année scolaire 2014-2015 à plus 80 millions d’euros pour l’année scolaire 2020-2021 – seront intégralement préservés, ils seront simplement répartis autrement.”

Reste désormais à savoir ce que seront ces pôles territoriaux, et quelles seront les modalités d’intégration pour les enfants à besoins spécifiques. Nous pouvons entendre que le système d’intégration dans l’enseignement ordinaire soit revu, notamment pour y permettre une véritable inclusion des élèves à besoins spécifiques. En revanche, nous n’acceptons pas que ces modifications soient faites à l’emporte-pièce, sans prendre en compte ni les recommandations du milieu associatif et des parents, ni les enfants actuellement lésés par ce changement et se retrouvant désintégrés de l’ordinaire.

16/9, réponse de Caroline Désir sur Facebook

Le 16 septembre 2020, Caroline Désir s’est exprimée par l’intermédiaire de Hélène Pans, la chargée de communication digitale de la ministre. Cette réponse fait suite à une pétition rédigée par une maman et partagée en masse via nos réseaux sociaux.

J’ai explicité les grandes lignes directrices de la réforme afin de les rassurer tout le monde sur les intentions du Gouvernement.

Il s’agit bien de renforcer les mesures qui favorisent l’inclusion ou le maintien dans l’enseignement ordinaire d’élèves présentant des besoins spécifiques.
C’est ainsi qu’un élève qui est inscrit et qui fréquente l’enseignement spécialisé pourra toujours, et c’est d’ailleurs une des grandes lignes directrices du Pacte pour Enseignement d’Excellence, être intégré dans l’enseignement ordinaire. Cette année scolaire, il sera accompagné par le personnel de l’enseignement spécialisé.

Si le mécanisme de l’Intégration Temporaire totale est supprimé, les moyens qui y sont alloués ne le sont pas. C’est près de 80 millions d’Euros qui seront injectés cette année scolaire pour l’accompagnement des élèves à besoins spécifiques, contre 14 millions en 2015. Ce budget sera intégralement préservé dans les années à venir, mais il sera réparti selon de nouvelles modalités. Cette répartition s’effectuera avec la volonté de mieux couvrir l’ensemble du territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de mieux rencontrer la diversité des besoins, pour un dispositif plus égalitaire et plus équitable.

Le déploiement progressif, dès la rentrée scolaire 2021, des Pôles Territoriaux devra contribuer au principe de la démarche évolutive qui doit être à la base du dispositif de l’école inclusive. C’est aux Pôles Territoriaux que reviendra la mission d’accompagnement de tous les élèves à besoins spécifiques, le cas échéant, tout au long de leur scolarité.

En attendant la mise ne place progressive des Pôles Territoriaux, des projets pilotes dans l’enseignement spécialisé sont mis en place dès cette année scolaire 2020-2021. C’est ainsi que 30 postes de coordinateurs viennent d’être affectés aux différents réseaux et que 1000 périodes ont été accordées aux projets Aménagements Raisonnables de l’enseignement ordinaire existants.

Tous ces aspects font et continueront à faire l’objet d’une concertation avec les fédérations de pouvoirs organisateurs, les organisations syndicales et les fédérations d’associations de parents.

Je tiens également à souligner que cette année scolaire, l’encadrement de l’enseignement spécialisé a été préservé. En outre, toutes les intégrations temporaires signées entre le 15 janvier et le 3 juillet 2020 ont été transformées en intégrations permanentes, ce qui équivaut à 4 périodes d’accompagnement par élève que l’école peut mutualiser pour permettre un accompagnement efficace.

Par ailleurs, le Pacte – en tant que réforme systémique – prévoit également de favoriser le dispositif de l’école inclusive par d’autres initiatives complémentaires qui doivent permettre aux équipes éducatives de prendre en charge une plus grande hétérogénéité des classes dans l’enseignement ordinaire.

On peut citer l’octroi de périodes complémentaires pour le renforcement de la langue d’apprentissage, la mise à disposition de périodes complémentaires pour développer l’accompagnement personnalisé des élèves, l’encadrement complémentaire de logopèdes dans l’enseignement maternel, la réforme de l’orientation vers le spécialisé, la mise en place progressive du dossier d’accompagnement de l’élève, la mise en place progressive du tronc commun, ou la réforme de la formation initiale des enseignants et de la formation en cours de carrière.

Ces éléments me semblent démontrer que la volonté n’est certainement pas d’opérer un retour en arrière, mais au contraire de poursuivre et d’améliorer l’accès à des mécanismes faisant de l’intégration une possibilité pour le plus grand nombre d’enfants, et d’ainsi permettre la construction d’une école plus inclusive.

Plus d’informations

Lien vers la réponse envoyée à Mme Barbier, représentante de l’ADES

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