2 septembre 2019

L’inclusion scolaire : oui mais pour qui ?

Il est 8h du matin, les cartables sont faits et les enfants sont prêts à débuter cette nouvelle année scolaire. Combien d’enfants handicapés retrouverons-nous intégrés dans les cours de récré ? Très peu, trop peu : moins d’1 % des élèves handicapés y sont intégrés.

Le décret du 3 mars 2004 définit l’intégration comme la possibilité pour des élèves à besoins spécifiques de suivre des cours dans des classes de l’enseignement ordinaire tout en étant accompagnés par du personnel de l’enseignement spécialisé. Si le décret permet à des enfants handicapés de suivre les cours de l’enseignement ordinaire tout au long de l’année scolaire (intégration permanente totale), beaucoup y suivent des cours de façon ponctuelle (intégration temporaire). Étant donné que l’élève suit encore la majorité de ses cours dans l’enseignement spécialisé, nous ne pouvons considérer l’intégration temporaire comme de l’inclusion scolaire. Dès lors, notre analyse se focalise sur le nombre d’enfants intégrés de façon permanente totale en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Plus exactement, le pourcentage d’élèves en situation de handicap intégrés dans l’enseignement ordinaire est de 0,39%. Sur une population totale de 718 904 d’élèves, seulement 2891 élèves de l’enseignement spécialisé sont intégrés de façon permanente dans l’ordinaire (cf. Indicateurs de l’enseignement 2016-2017). Pour que l’intégration soit parfaite, le nombre devrait s’élever à 35 853 élèves, soit la population totale d’élèves inscrits dans le spécialisé (cf. Indicateurs de l’enseignement 2016-2017). Un pourcentage en porte à faux avec la CDPH qui garantit le droit pour tout élève en situation de handicap d’intégrer des classes de l’enseignement ordinaire et de bénéficier d’une pédagogie adaptée à ses besoins. Pour rappel, l’article 24 de la CDPH prévoit que les États doivent veiller à ce que les personnes handicapées « puissent, sur la base de l’égalité avec les autres, avoir accès, dans les communautés où elles vivent, à un enseignement primaire inclusif, de qualité et gratuit, et à l’enseignement secondaire ».

L’intégration scolaire reste cependant inaccessible aux élèves handicapés de grande dépendance, exclus du programme d’intégration. En effet, seuls les types d’enseignement spécialisé ci-après sont acceptés dans les classes de l’enseignement ordinaire :

  • Type 1 : retard mental léger
  • Type 3 : troubles du comportement et/ou de la personnalité
  • Type 6 : Déficiences visuels
  • Type 7 : Déficiences auditives
  • Type 8 : Troubles des apprentissages

Notons par ailleurs, que les Indicateurs de l’enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ne tiennent pas compte des élèves handicapés déscolarisés de l’enseignement spécialisé.  Certains élèves reçoivent un enseignement à domicile en raison de la nature et de la gravité de leur handicap mais aussi trop souvent faute d’un programme éducatif adapté à leurs besoins. D’autres, pour ces même raisons, se retrouvent dans des centres spécialisés. Comme il sera détaillé prochainement dans un article consacré aux aménagements raisonnables dans l’enseignement spécialisé, certaines situations peuvent aller jusqu’à imposer des difficultés supplémentaires à des élèves déjà fragilisés par leur handicap.

L’enseignement francophone reste extrêmement clivant en matière de handicap. Les chiffres ont montré que l’enseignement inclusif est quasi inexistant en Belgique francophone. Les exigences pédagogiques et méthodes d’apprentissage ne s’adaptent pas aux élèves, c’est aux élèves de s’y adapter et s’ils ne correspondent pas aux exigences de réussite, ils sont mis de côté. L’Etat belge a été épinglé à plusieurs reprises par l’ONU pour violation de la Convention des Droits de l’enfant et de la CDPH depuis sa ratification en 2009.

Par ailleurs, la Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH) et Inclusion Europe ont introduit une réclamation collective contre l’Etat belge devant le Comité européen des droits sociaux concernant le droit à l’enseignement inclusif en Flandre. Le 16 octobre 2017, la Communauté flamande a été condamnée pour manque de mesures visant à favoriser l’inclusion des élèves avec une déficience intellectuelle dans l’enseignement ordinaire. Le Comité européen a conclu à l’unanimité qu’il y avait effectivement violation de l’article 15§1 de la Charte sociale européenne, relatif aux droits des personnes handicapées à l’autonomie, à l’intégration sociale et à la participation à la vie de la communauté.

Le centre UNIA a rendu plusieurs avis adressés à la Fédération Wallonie-Bruxelles constatant un manque de mesures visant à intégrer les élèves en situation de handicap dans l’enseignement ordinaire et se dit inquiet du respect du droit des aménagements raisonnables pour ces élèves.

Mais la Fédération continue à faire la sourde oreille en adoptant des décrets qui vont à l’encontre des textes législatifs internationaux relatifs aux droits des personnes handicapées et des législations anti-discrimination. En effet, force est de constater que la scolarisation des enfants handicapés dans l’enseignement spécialisé est souhaitée et soutenue par les acteurs politiques. Le prochain article met en exergue la manière dont le cadre légal de la Fédération Wallonie Bruxelles prône une inclusion scolaire à minima avec pour seul objectif le maintien dans l’enseignement ordinaire des élèves présentant des troubles du comportement et de l’apprentissage.

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