21 juin 2018

[Carte blanche] Emplacement réservé : on n’est pas sorti de l’auberge ! – Par Corine Jamar

Corine, maman d’Eleni, nous raconte ses péripéties avec l’emplacement réservé situé devant sa maison. Celui-ci devrait, dans la principe, lui rendre la vie plus facile et l’aider dans l’accompagnement de sa fille en situation de handicap.

Au contraire, cet emplacement devient une source intarissable de problèmes et situations parfois même assez cocasses. Un récit drôle et vivant, en prélude de la carte blanche rédigée par Corine.

Sous-titres de la vidéo :

Il est 10h du matin. Mon compagnon est allé chercher notre fille à Libramont, le centre où elle vit la semaine. Plus tôt dans la matinée, constatant que l’emplacement réservé devant la maison était libre, youpi, c’est pas tous les jours, j’y ai garé ma voiture. La carte handicap, comme d’habitude, est bien visible.

Tout à coup, la sonnette retentit. Insistante. Un, deux, trois, quatre coups. J’ouvre, et tombe nez à nez avec quatre flics (ont-ils chacun sonné ?) armés jusqu’aux dents, et aimables comme des portes de prison : même pas un bonjour. Qu’ai-je fait ? De quoi me suis-je rendue coupable ? L’unique flic de sexe féminin me demande, avec un mouvement brusque du menton, si cette voiture, elle désigne ma petite Smart, est à moi. Oui. Montrez-moi la carte handicapée. Moi : pourquoi ? Vérification. Bon.

Je prends quelques secondes pour enlever mes grosses pantoufles en forme de grenouille et enfile des baskets dont je ne noue pas les lacets, la dame a l’air pressé. J’ouvre la portière côté passager. Je prends la carte, puis, affichant un air victorieux puisqu’elle est parfaitement valide, la lui tend. Elle la retourne d’un air soupçonneux, et dit : ce n’est pas vous, Eleni ? Ben, non, c’est ma fille. C’est elle qui est en situation de handicap et pour qui j’ai, à l’époque, introduit une demande pour obtenir cette carte handicap… Où est-elle votre fille ? À la maison ? Non, mais elle ne va pas tarder, son papa est allé la chercher, elle sera là d’ici une bonne heure. Dans ce cas, rétorque-t-elle, veuillez tout de suite dégager votre véhicule. Pardon ? Elle m’explique : la loi ne vous autorise pas à profiter – profiter ! – d’une place réservée en l’absence de la personne concernée. Je suis au courant, merci, et je vous signale que ma voiture ne s’y trouve jamais, la semaine. Mais voilà, nous sommes vendredi, et le vendredi ma fille IMC et autiste rentre à la maison. La place était libre ce matin, j’y ai donc garé ma voiture. Comme ça, quand je devrai me rendre avec elle à sa séance de kiné à Waterloo cet après-midi, au moins, la voiture sera devant la maison. Si elle était restée à l’endroit où elle a passé la nuit, tout en haut de la rue (qui monte), j’aurais dû partir au moins ¼ d’heure plus tôt, vu l’allure d’escargot à laquelle marche Eleni.

La flic : vous remettrez votre véhicule quand elle sera là, en attendant, dégagez. C’est une blague ? Apparemment non, la dame ne rigole pas. Et ses acolytes encore moins (seraient-ils non verbaux auquel cas je pourrais tenter la méthode PECS ou leur présenter le carton azerty avec lequel ma fille communique). Comme avec elle quand je veux qu’elle comprenne bien quelque chose, je décide de parler lentement, et d’articuler : madame, dis-je, si j’enlève ma voiture maintenant, la place a toutes les chances d’être de nouveau squattée par des conducteurs indélicats, donc, ne vous en déplaise, je n’en bouge pas. Lancée, j’ajoute : tous les jours de la semaine, madame, cette place est prise par des conducteurs ne possédant qu’une carte « riverain. » Pourquoi leur foutez-vous la paix, à eux ? Et je ne parle pas de ceux qui SONT en possession d’une carte handicapée sauf qu’il ne s’agit pas de la leur mais bien de celle de leur grand-mère morte au siècle dernier ! Le pire, ce sont les conducteurs qui n’assument pas entièrement leur acte et qui garent la moitié de leur voiture sur la place libre qui se trouve devant, ou derrière. La conscience à moitié tranquille plutôt que pas du tout. Sans laisser le temps à la flic d’en placer (sic) une, je poursuis : pourquoi les agents verbalisateurs ne sont-ils autorisés à coller des prunes qu’aux malheureux seulement coupables de ne pas avoir mis assez d’argent dans vos foutus horodateurs ? Et pas à ceux qui se garent sur les emplacements handicapés ? Pourquoi ont-ils droit à l’impunité, et pas les autres ?

La flic : Les agents verbalisateurs ne sont pas habilités à coller des amendes à ce type de contrevenants, il faut introduire une plainte. Moi : hé bien, habilitez-les alors, c’est simple ! Si vous continuez, dit-elle en élevant la voix, je vous confisque votre carte et vous ne la récupérerez pas de sitôt, c’est moi qui vous le dis ! Dans ce cas, madame, puisque vous en parliez, je porte plainte !

La situation allait s’envenimer quand j’entends un houhou familier. C’est ma fille qui arrive, avec son papa. Son handicap étant aussi visible que la carte l’autorisant à « profiter » d’une place réservée, il a tôt fait de refroidir les ardeurs policières de la dame qui conclut, comme dans les films : c’est bon pour une fois. Ah mais non, dis-je, je n’en ai pas fini avec vous ! Forte de la présence de ma fille, je reprends : vous vous pendez à ma sonnette, vous ne me dites pas bonjour, vous m’agressez et, en plus, vous débarquez à quatre comme si j’étais une criminelle alors que vous n’agissez pas contre les VRAIS resquilleurs. Elle : je vous l’ai dit, la prochaine fois que vous constaterez que quelqu’un n’étant pas en possession de la carte handicapée s’installe sur l’emplacement, vous n’aurez qu’à appeler la police. J’éclate de rire : mais ça fait des années que je ne l’appelle plus, la police, ça ne sert à rien qu’à m’attirer des ennuis supplémentaires : soit elle vient des heures plus tard, parfois en pleine nuit, et la voiture n’est déjà plus là (et moi, au lit), soit elle ne vient pas du tout. Et si la dépanneuse a embarqué la voiture illégalement garée, le lendemain, je retrouve dans ma boîte aux lettres, au mieux : des œufs cassés ou de la pâte dentifrice, au pire : une lettre me menaçant de me régler mon affaire si je touche encore une fois à leur chère voiture. On a déjà cassé un phare, crevé un pneu et griffé la carrosserie de la mienne alors merci bien ! Là-dessus, puisque ma fille est là, et qu’ils n’ont momentanément plus rien à me reprocher, ils s’en vont (sirène hurlante, de vrais cowboys.)

Racontant cette histoire à une amie, celle-ci avoue elle aussi garer sa voiture sur un des emplacements réservés de sa rue mais s’empresse d’ajouter (avant que je ne l’étrangle): il y en a quatre, et tous ceux qui étaient en droit d’y parquer leur voiture sont morts ! Du coup, ils sont tout le temps libres ce qui fait râler les voisins qui, eux, tournent pendant des heures. Marre. Peut-être n’y a-t-il plus d’handicapés dans ta rue, lui dis-je, mais d’autres personnes handicapées, pas nécessairement du quartier, ont parfaitement le droit de s’y mettre. Ça n’arrive pratiquement jamais, me dit-elle, vu qu’elle habite un quartier plutôt résidentiel. Et si quelqu’un s’y met, c’est un resquilleur ! Certains sont bien en possession d’une carte pour handicapés mais ne le sont pas plus qu’elle, ou moi. Bien sûr, il y a des handicaps invisibles mais je ne pense pas que ce soit le cas de tous les conducteurs et conductrices qui s’installent sur les places dans sa rue. Une seule solution, lui dis-je : demander à ce que ces emplacements qui ne servent plus à rien soient enlevés !

Gros, très gros soupir. Il y a un an, mon amie s’est rendue à la commune pour signaler qu’il n’y avait plus de personnes en situation de handicap dans sa rue et que, donc, s’ils pouvaient agir en conséquence, ce serait bien. La dame du guichet lui a alors dit de s’adresser à la police. Ce qu’elle a fait. Après avoir, par téléphone, exposé l’objet de sa demande et attendu un bon quart d’heure qu’on veuille bien transmettre la communication à l’agent responsable, elle s’est entendue répondre que ce type de demande est traité par un service spécial ayant l’habitude de se réunir en collège. Un policier doit ensuite venir vérifier sur place que mon amie ne raconte pas d’histoires (à ce jour, il n’est toujours pas passé.) Une décision est alors prise, et transmise à la commune. Dont les fonctionnaires doivent eux aussi se réunir en collège. Échevinal, cette fois. Vous en avez encore pour un moment, ma petite dame ! lui avait dit à l’époque le policier quasi hilare. Ajoutant : si dans un an, rien n’a changé dans votre rue, je vous autorise à me rappeler. Un an et quelques semaines ont passés depuis, et rien… Du coup, tout le monde s’assoit sur le problème et les voitures des voisins de mon amie, sur les emplacements réservés.

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